Date de publication: 12 février 2024 / Santé / Author : Veng Thavong
L’intelligence artificielle peut aider les services de pharmacie clinique à mieux piloter leurs activités d’analyse de prescription, d’éducation thérapeutique du patient et de délivrance de médicaments. Afin d’évaluer la place et le rôle de ces outils dans ce domaine, des chercheurs du laboratoire recherche Translationnelle et Innovation en Médecine et Complexité (TIMC - CNRS/Université Grenoble Alpes) ont réalisé une revue de la littérature. Ces travaux sont publiés dans l’International Journal of Medical Informatics et ont fait l’objet d’une présentation dans les Actualités de l'INS2I du CNRS par Pierrick Bedouch, professeur en pharmacie clinique au centre hospitalier universitaire de Grenoble et chercheur au TIMC :
« Dernier rempart de sécurité avant la délivrance d’un médicament au patient, le pharmacien est confronté à des cas thérapeutiques de plus en plus complexes. En cause : le passage progressif vers une médecine personnalisée pour une population vieillissante et parfois multi-pathologique. Identifier les bons médicaments, leurs risques d’interactions ou encore d’iatrogénie médicamenteuse (ensemble des effets indésirables), se transforme en véritable casse-tête. Néanmoins, la numérisation des dossiers des patients ouvre la voie à des outils d'intelligence artificielle (IA) adaptés à leurs besoins. Mais dans quelles mesures sont-ils déployés ? Pour quels usages ?
« Afin de répondre à ces questions, des chercheurs au TIMC ont réalisé une revue de l’état de l’art sur les méthodes et applications d’IA dans les services de pharmacie clinique. « La pharmacie a toujours été une des disciplines les plus numérisées en santé. Toutefois, notre étude montre qu’entre 2000 et 2021, seules 19 publications scientifiques portent sur des outils d’IA appliqués à ce domaine », présente Pierrick Bedouch. Cette tendance est récente puisque 63 % de ces travaux ont été publiés en 2020 et 2021. Dans ce cadre, deux outils émergent : le traitement automatique du langage naturel et les méthodes d’IA à base d’apprentissage profond.
« En pratique, l’aide décisionnelle à la prescription est la principale application visée par les outils d’IA en pharmacie clinique - ou comment aider le pharmacien à s’assurer du meilleur choix thérapeutique pour un patient donné. Un peu moins d’un quart des cas portait sur la délivrance de médicaments. Par exemple, des modèles permettent d’anticiper la préparation de prescriptions, d’autres visent à éviter les erreurs lors de cette préparation, ou encore à renforcer l’adhésion thérapeutique des patients. Enfin, deux études portaient sur l’activité clinique du pharmacien avec le déploiement d’outils d’aide à l’éducation thérapeutique ou à la réalisation d’entretiens pharmaceutiques, en vue de renforcer les conseils à promulguer aux patients.
« Cette étude met également en avant de nombreuses perspectives quant à l’avenir de ces outils. En effet, structurer ces algorithmes requiert de les entraîner sur des données fiables issues des dossiers médicaux électroniques. « Pour démultiplier la puissance de ces modèles en France, il faut que les entrepôts de données de santé soient plus exhaustifs sur l’ensemble des étapes de la prise en charge thérapeutique des patients à l’échelle d’un territoire et pas uniquement sur les données d’un hôpital », remarque Pierrick Bedouch.
Les outils d’IA peuvent aider les pharmaciens à gérer des prescriptions et des traitements de plus en plus complexes avec des patients présentant des pathologies multiples.
Par ailleurs, de nouvelles méthodes d’IA doivent être évaluées, telles que les large language models en traitement automatique des langues – modèles de type ChatGPT. D’autres enjeux à plus grande échelle, comme le pilotage de la gestion des médicaments en périodes de rupture médicamenteuse, devraient à leur tour bénéficier d’outils d’aide à la décision.
« Les développements publiés concernent majoritairement le secteur hospitalier (12 études sur 19). La recherche doit être davantage développée en ambulatoire, car l’IA peut apporter une aide conséquente au pilotage et à la gestion complexe de patients atteints de maladies chroniques et à la médecine de ville en général », conclut le chercheur.